vendredi 26 juin 2009

LGF surveille un examen: Le Retour (part Three)

C'est ce moment qu'a choisi la petite germaniste pour nous glisser à l'oreille d'un air gêné : "Donc, on ne leur dit pas que l'épreuve, en fait, elle n'est pas valide ?…" Hein ?! Machin sursaute, je frémis, la spécialiste de Schiller poursuit sur le même ton : "Ben oui, en fait je l'ai appris juste là en allant chercher les sujets. Vu que les étudiants ont été prévenus trop tard, certains même pas prévenus, eh bien en fait cette épreuve n'est pas valide, enfin si elle est valide mais ceux qui auraient manqué cette épreuve, on leur en fait une autre dans quinze jours, alors au fond ceux-là, s'ils ne se sentent pas prêts, on pourrait peut-être leur dire de pas composer ce soir, et de revenir dans quinze jours ?…" Machin éructe : "Mais enfin, dans quinze jours, c'est l'épreuve réservée aux étudiants de la fac de Lettres, et celle-ci est pour les étudiants de la fac de droit et de la fac de médecine, qui doivent avoir tout bouclé mi-juin, le président avait tout de même été formel ?" La germaniste reprend, de plus en plus gênée : "Euh... en fait, non, dans quinze jours ce sera aussi pour ceux de médecine et de droit, enfin, ceux qui auront manqué l'épreuve aujourd'hui. Ceux de la fac de Lettres, en fait, ce sera en septembre…"


Machin calcule dans sa tête, je le vois. Au bout d'un instant on comprend qu'il calcule combien de sujets d'examen il a déjà pondu pour ce cours de PIPOTI : un pour l'examen de première-session-normale, un autre pour l'examen-de-première-session-décalé (à cause de trois étudiants en stage dans un hôpital psychiatrique le jour de la première-session-normale, date de stage fixée depuis des mois, bien avant le chamboulement du calendrier d'examen, ah oui, désolé, il faut organiser une première session "bis", on est confus confus confus), un troisième pour l'examen de deuxième session pour les juristes mais sans les prévenir, un quatrième pour les juristes qui auraient raté la session de rattrapage, un cinquième pour la session de rattrapage des littéraires… On se dit que ce qui serait bien, c'est de faire une sorte de "permanence" d'examens. On en ferait un toutes les semaines. Le jeudi, de 5 à 7. Viendrait qui veut, quand il se sentirait prêt, qu'il n'aurait pas examen de grec ou squash à la même heure. Une sorte de stabulation libre des examens, quoi. C'est vrai, pourquoi on se fait chier avec des convocations, des plannings affichés trois semaines avant, toutes sortes de rigidités qui empêchent nos cursus de se déployer librement dans le vaste espace libéral de l'économie de la connaissance ?… Allez, prenons les paris : à partir de la rentrée, une douzaine de circulaires vont nous suggérer de valider les enseignements "au fil de l'eau", au fur et à mesure que les étudiants se sentiront prêts ils iront se présenter à l'examen de cette semaine-là, hop là, une bonne chose de faite, ça leur laissera du temps pour se mettre à la paléographie des langues ougaritiques ou au macramé sur boyaux de ragondin, la fac est là pour vous rendre libres, bande de larves.

C'est pas tout, ça : pendant que Machin roulait des yeux dans les orbites, un gaillard s'est mis à agiter la main. Je m'avance avec un paquet de feuilles mais non, il n'en veut pas une de plus, il veut juste savoir s'il a le droit de partir. Je consulte Machin du regard, Machin consulte sa montre, on fait un rapide calcul (qu'est-ce qui est inscrit dans la procédure normale d'examen, et qu'on pourrait soumettre à une légère torsion à la baisse pour s'adapter à la situation présente, hmm ?) et on décide en même temps que oui, vu le climat, il peut se barrer. Le gars plie bagages, nous rend une copie d'exercices de grec à peine griffonnée, Machin lui fait bien replier le coin anonymeur pendant que je cherche dans laquelle des 8 enveloppes de sujets je vais trouver la liste d'émargement correspondant au groupe du jeune candidat. Ça y est, je retrouve l'enveloppe avec le sujet sur lequel il a composé, j'en extirpe une liasse agrafée de 10 à 12 pages qui a l'air d'une liste de noms, et voilà notre impétrant qui cherche son nom. Il balaie du regard les 12 feuillets une fois, deux fois, puis nous regarde d'un air de chien battu. Comme d'habitude, un peu accablés, on lui dit de rajouter en bas à la main son nom, sa section d'origine, et de signer, sans oublier son numéro d'étudiant. Le gars finit par sortir, d'autres étudiants assez peu inspirés par les exercices du PIPOTI de grec se lèvent, rendent leur copie, cherchent leur nom, tiens, ils ne le trouvent pas non plus, bon, tant pis, ils se rajoutent à la main…

(à suivre...)

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